Le mot du président

Tous les ans, à pareille époque, je vous rends compte à la fois de l’activité de l’année écoulée, de mon sentiment sur les perspectives d’évolution de la Safer et plus généralement du foncier agricole.

Si, en 2017, nous avions validé l’acte II de la Safer Corse, transition rendue obligatoire par la loi Nôtre qui s’appliquait de la même manière à toutes les Safer, 2018 aura vu une nouvelle modification du conseil d’administration et notamment du 2e collège : rendue obligatoire par la fusion des 3 collectivités territoriales au profit d’une seule et unique, la Collectivité de Corse.

Ces changements, très chronophages, ont pu parfois perturber notre institution qui aura donc connu en 2 ans une évolution incomparable sur ces 40 dernières années.

Si la Safer Corse a su intégrer ces évolutions institutionnelles, elle voit également son modèle économique très éloigné de toutes les autres Safer ; le paradoxe foncier insulaire à la fois spéculatif et d’une très faible mobilité, ne permet pas à la Safer d’autofinancer sa mission de service public.

La diversification de nos activités engagée depuis quelques années, conforme à notre stratégie d’intervention, nous permet, non seulement d’être en cohérence avec nos missions, mais surtout d’avoir la capacité de générer des ressources financières complémentaires.

La régulation foncière EST ET RESTERA la priorité de notre Safer au regard des enjeux fonciers en Corse.

Cet objectif, nous le réalisons quotidiennement, par une surveillance très étroite du marché foncier tout en donnant la transparence. Cette action,  nous la voulons basée sur 3 points :

Le Contrôle – la Maitrise – l’Orientation

Un des modes d’intervention utilisé ici plus qu’ailleurs est le droit de préemption.

Notre taux d’intervention s’élève à 17%, alors qu’il n’est que de 1.6% sur le territoire national.

Nous préemptons donc d’une année sur l’autre environ 150 hectares de terres agricoles avec pour objectif prioritaire de les protéger de toute spéculation et, en corollaire, de toutes formes de financiarisation voire d’artificialisation.

L’usage de ce droit de préemption nécessite au préalable de solides analyses juridiques, car nous sommes à la fois confrontés à une société civile de plus en plus judiciarisée ainsi qu’à des pratiques de contournement devenant récurrentes.

Une adaptation législative s’impose : elle viendrait corriger certaines carences relatives à la spécificité de notre territoire.

L’autre objectif est de pouvoir créer « une offre foncière » conséquente au regard d’une demande de la profession agricole, notamment des jeunes agriculteurs, devenue très forte.

L’exemple du Domaine Casabianca est, à cet égard, symbolique : nous avons déjà recensé une cinquantaine de demandes, d’autres, nous parviendrons surement suite à l’appel à projet : ça, c’est le côté positif.

Le côté négatif est qu’il n’y aura malheureusement pas de place pour tous.

Ce domaine, permettez-moi l’expression, est un peu « l’arbre qui cache la forêt »

En effet, il faudrait au moins l’équivalent d’un Domaine Casabianca par an pour satisfaire à toutes les demandes et à tous les projets.

Cette libération du foncier doit se faire impérativement par la mise en œuvre de politiques publiques, et ce, afin de disposer d’une offre foncière suffisante.

La reconquête des friches agricoles présente des atouts indéniables : elle participe à la réinsertion des terres dans un système de production agricole, à la lutte contre les incendies, à l’amélioration de la qualité de nos paysages.

Mais, si aucune action publique n’est entreprise, notamment dans les ex-futurs Espaces Stratégiques Agricole du PADDUC, alors ces espaces resteront figés, improductifs et incultes.

Notre institution risque de se limiter à un « arbitrage de conflits » et non plus de projets.

Les enjeux fonciers en Corse, mais aussi l’organisation spatiale et historique de nos territoires exigent à la fois une adaptation juridique mais AVANT ET SURTOUT une réelle prise en compte par les politiques publiques.

La prochaine loi dite de régulation foncière sera l’occasion pour nous de faire prendre en compte ces problématiques dont certaines sont très spécifiques à notre insularité et qui nécessiteront des adaptations législatives et/ou réglementaires.

Il est essentiel que, collectivement, nous prenions conscience de l’évolution de notre société et des besoins qu’elle crée afin de mieux organiser et réguler notre territoire, le préserver et valoriser la terre agricole et chercher à en reconquérir d’autres.

Je finirai avec une citation d’Edgard Pisani : « Cessons de toujours mettre en avant les difficultés à faire les choses et prenons plutôt en compte, avant tout, la nécessité de les faire ! »